« La covid-19 » ou « le covid-19 », pourquoi est-ce important ?

Par Nicolas Gambardella

Le monde est aux prises avec l’une des pandémies les plus graves qu’il ait dû affronter dans les temps modernes. La cause en est l’infection par un coronavirus, le SARS-CoV-2. Chez une partie des êtres humains infectés, ce virus entraîne l’apparition de signes et de symptômes, qui forment — comme la cause première en est identifiée — une maladie, appelée covid-19, pour « maladie à coronavirus 2019 ». Cette maladie peut se présenter de manière plus ou moins sévère, parfois demander une hospitalisation et dans un certain nombre de cas être létale.

Pourquoi covid-19 est-il féminin ?

La covid-19 est une maladie ; c’est le sens du « d » à la fin du nom, signifiant « disease » en anglais. Dans la terminologie médicale, une maladie est un ensemble de signes cliniques et de symptômes liés à une ou des causes identifiées ; ce qui la distingue des syndromes (signes et symptômes sans cause nécessairement identifiées ou existantes) et des affections (altération des fonctions d’un organe indépendamment des causes).

En français, les maladies infectieuses sont généralement du genre féminin. En ce qui concerne les maladies causées par des virus, on écrit par exemple la rougeole, la variole, la grippe, la varicelle et j’en passe. Dans les maladies causées par des bactéries, on trouve la tuberculose, la peste, la syphillis, etc. Les exceptions viennent souvent d’appellations antérieures à l’identification des causes comme le tétanos, décrivant le symptôme — le tétanus du muscle —, le paludisme, venant de l’origine de l’infection — le marais —, ou bien encore le sida, qui était à l’origine un syndrome.

L’Organisation mondiale de la santé, qui a créé le nom, l’a utilisé au féminin en français dès le 11 février 2020. À l’époque, le grand public et la presse ne parlait que du virus, de « l’épidémie du coronavirus ». Cette forme féminine est largement utilisée au Canada et devient vite officialisée par l’Office québécois de la langue française. En Europe, les différentes instances ne différencient pas le virus de la maladie et utilisent initialement le masculin. Il faut attendre mai 2020 pour que l’Académie française exprime sa préférence pour le féminin.

Pourquoi est-ce important ?

La bataille des lexicographes sur le genre d’une maladie est certe intéressante et utile. Bien que tout langue soit « vivante » et qu’elle évolue au cours du temps, l’existence d’un ensemble de règles de base permet une communication fluide entre ses utilisateurs. Tout parent — et tout enseignant ! — corrigerait un enfant qui écrirait « le grippe » ou « le rougeole ». Cependant le genre de covid-19 présente une importance particulière.

La confusion entre l’infection par SARS-CoV-2 et l’atteinte de covid-19 est très largement répandue. Une grande partie de la population est persuadée qu’être infecté par le virus signifie être malade. Récemment le pilote de Formule 1 Sergio Perez a été testé positif pour le SARS-CoV-2. Il a immédiatement été inondé par les messages de soutien sur les réseaux sociaux, se désolant de sa maladie et lui souhaitant un prompt rétablissement. Rien n’indique cependant que Sergio Perez ait présenté un quelconque signe clinique ou se soit plaint de symptômes liés à la maladie. Cette confusion est entretenue, volontairement ou non, par les pouvoirs publics de très nombreux pays qui communiquent le nombre de tests positifs mais non le nombre de malades (si l’on était cynique, on remarquerait aussi que la mortalité dans de nombreux pays reste extrêmement faible car seules les personnes ayant été testées positives sont comptées dans les statistiques. Les personnes dont le certificat de décès indique covid-19 comme cause identifiée ou probable mais qui n’ont pas été testées sont le plus souvent ignorées).

La proportion importante de personnes infectées mais ne présentant pas de signes ou symptômes, dites asymptomatiques, est une chance et une malédiction. Une chance, car l’infection est au final peu dangereuse, en particulier pour les personnes ne présentant pas de co-morbidités spécifiques, comme l’obésité ou un grand âge (peu dangereuse au niveau individuel s’entend. La situation est bien entendu différente au niveau de la société toute entière). C’est une malédiction car en l’absence de tests systématiques, répétés et à large échelle, la plupart des personnes infectées ne sont pas détectées et continuent donc à propager le virus.

Cette confusion au sein du grand public affecte sans nul doute les décisions politiques et de santé publique (du reste, les politiques font également partie du « grand public » quand il s’agit du domaine médical). Par exemple, les énergies et les finances doivent être partagées de manière intelligente entre la lutte contre la propagation du virus et la préparation des systèmes de santé.

Que dois-je écrire ?

Le plus important est de différencier entre l’infection et la maladie. Paradoxalement, les usages en cours au début de la pandémie était meilleurs, puisqu’ils parlaient « du coronavirus », signifiant par là SARS-CoV-2 (il existe de nombreux coronavirus). On préférera donc :

Il/elle est contaminé/e par le coronavirus.

L’infection par le coronavirus est importante dans cette ville.

La propagation du coronavirus ne ralentit pas.

Mais :

Il/elle présente les symptômes de la covid-19.

La covid-19 a été une des principales causes de surmortalité chez les personnes âgées en mars 2020.

On pourra cependant omettre l’article dans certains cas, en suivant l’usage pour d’autre maladies, comme la varicelle :

Il est atteint de covid-19.

Une toux incessante est un symptôme de covid-19 (mais probablement « un des symptômes de la covid-19 »…)

En aucun cas :

Il/elle présente les symptômes du covid-19

Le covid-19 accroît le fardeau du personnel de santé.

Pour finir, notez que ce billet ne fait pas l’honneur d’une majuscule à cette maladie. La dénomination covid-19 n’est pas un nom propre, et malgré son impact, direct ou indirect, elle ne mérite pas de pré-éminence sur les autres maladies virales circulant autour du globe comme la grippe, l’hépatite et le sida.