Des traductions plus qu’exactes

Par Nicolas Gambardella

[Version anglaise]

Pouvons-nous fournir des traductions plus qu’exactes ?

Fournir une traduction précise est la mission essentielle d’un traducteur linguistique. Tout traducteur professionnel doit y parvenir, et tout échec équivaut à une faute professionnelle. Une traduction précise est également la référence utilisée pour évaluer la traduction automatique. Toutefois, ne devrait-on pas considérer cette obligation comme une ligne de base ? Si oui, qu’est-ce qui est « plus qu’exactes » ?

Pour répondre à ces questions, nous devons d’abord définir ce que nous entendons par traduction exacte. Pour traduire un texte avec exactitude, nous devons conserver la sémantique du document source. Tout d’abord, nous devons transmettre le sens des mots ou des expressions, et ce dans le contexte des phrases, des paragraphes et de l’ensemble du texte. Outre le choix des mots, il faut respecter l’orthographe correcte dans la langue cible. Ensuite, nous devons respecter scrupuleusement les règles de grammaire et de ponctuation. Le respect de ces deux principes permet d’obtenir une traduction adéquate qui sera utile dans la plupart du temps, un résultat parfois obtenu sur des textes simples non techniques par une traduction automatique basée sur l’IA, comme Google Translate ou DeepL.

Est-ce suffisant ? Pouvez-vous attendre davantage d’un traducteur professionnel ? Bien sûr que oui ! Et c’est même un dû !

Une excellente traduction est plus qu’exacte. En plus de véhiculer le sens du document source, elle doit communiquer le message comme l’avait prévu ses auteurs.

Pour ce faire, le traducteur doit parfois prendre des décisions concernant le niveau de technicité à adopter. Ces choix sont particulièrement importants dans le domaine biomédical, où la granularité des concepts et leurs relations diffèrent selon les langues (bien que le traducteur y soit confronté dans la plupart des domaines techniques). Par exemple, il n’y a pas toujours de correspondance directe entre les terminologies anglaises et françaises pour la description des parties anatomiques ou des symptômes. Les médecins français ont également tendance à utiliser des termes plus techniques que les médecins britanniques lorsqu’ils s’adressent à leurs patients. Par conséquent, afin de conserver le même impact, un document source donné devra être traduit de manière légèrement différente si le public visé est, par exemple, un chirurgien censé reproduire une opération, un médecin qui doit comprendre une maladie, des patients à la recherche d’informations pour étayer des décisions thérapeutiques ou bien encore le grand public. On devra traduire « disease burden » en « charge de morbidité » dans un document épidémiologique, mais probablement en « impact de la maladie » dans une présentation marketing.

De tels choix techniques reposent sur l’expertise passée, ce pourquoi les traducteurs possèdent des domaines de prédilection et qu’ils se bonifient avec le temps comme du bon vin. Mais ils sont également le fruit de recherches spécifiques, menées spécifiquement pour chaque projet de traduction. Un bon exemple est la traduction des fiches de données de sécurité (le document décrivant les caractéristiques, les effets possibles sur la santé ainsi que les précautions à prendre avec un produit chimique ou un médicament). Les titres des rubriques comme le contenu sont codifiés et spécifiques à chaque pays. Connaître les deux langues suffira à communiquer le sens du texte, mais le résultat de la traduction ne sera pas un document valable. Pour cela, il faut se plonger dans les spécifications de ces fiches de sécurité, ce dans les langues d’origine et d’arrivée. C’est un des domaines où la traduction humaine ne peut encore, probablement pour un moment, être remplacé par la traduction automatique.

Le sens des mots, la sémantique, n’est cependant pas le seul facteur à prendre en compte pour peaufiner une traduction. Le ton du texte et l’idiome spécifique à utiliser (qu’il s’agisse d’un véritable dialecte ou du jargon d’un cercle spécialisé) auront également une forte incidence sur la transmission d’un message. Selon le type de document, la longueur des phrases, le rythme et les choix ponctuations peuvent devoir être adaptés pour atteindre la population cible. L’esthétique d’un texte, son accroche générale, est une pierre angulaire du marketing. Et ce, que l’on traduise des brochures, des sites web ou… des publications de recherche et des demandes de subvention !

Enfin, la cerise sur le gâteau, qui différencie peut-être un linguiste spécialisé d’un simple traducteur, est la correction du document source. Cette démarche doit être entreprise avec tact, et peut-être seulement après qu’un traducteur et un client aient établi un certain niveau de confiance. Ces corrections peuvent être de nature typographique ou plus approfondies, comme des corrections factuelles ou des conseils sur la façon de communiquer le message.

Tout cela contribuera à une traduction plus qu’exacte. Et tout cela est, pour l’instant et pour encore longtemps, hors de portée des approches les plus avancées de traduction automatique.

Leave a Reply